Réservez votre pub à ceux qui en veulent!

Si vous vous promenez un dimanche après-midi sur le pont Saint-Louis, près de Notre-Dame de Paris, vous apercevrez peut-être un grand escogriffe blond en train de jongler ou de faire le pitre, perché sur un monocycle. Immo Scholz, 30 ans, est un excellent acrobate et un bon comédien, mais c'est aussi un entrepreneur avisé. "Dans la rue, je fais ma publicité pour les salles de théâtre où je joue", explique-t-il.
A la fin de chaque numéro, il ne se contente pas de faire la quête : il propose à ceux qui ont aimé sa prestation et souhaitent le voir sur scène de lui laisser leurs coordonnées. "Chaque fois, je récolte entre quarante et cinquante adresses. Ces contacts assurent ensuite la moitié des billets vendus !", évalue l'artiste. Sans le savoir, Immo pratique ce que les Américains appellent le permission marketing, du nom du bestseller écrit en 1999 par Seth Godin, le vice-président du marketing direct de Yahoo! et le gourou de cette technique. La dernière mode aux Etats-Unis. L'idée tient en une phrase (même si le livre compte 250 pages!) : demander au client s'il accepte d'être la cible de votre publicité au lieu de l'agresser à tout va.

En concentrant ses efforts sur ces volontaires, l'entreprise doit ensuite construire avec chacun une relation personnelle à long terme, en lui parlant de choses qui l'intéressent et surtout pas d'argent : le client achètera de lui-même quand il sera en confiance. "Depuis que l'on sait que fidéliser un client coûte cinq fois moins cher qu'en conquérir un nouveau, on vante le marketing relationnel (qui privilégie la relation à la transaction) et le one to one (marketing personnalisé), constate Marc Vanhule, professeur à HEC. Là où le permission marketing innove, c'est qu'il recommande aux entreprises, avant de déranger le client, de lui demander explicitement son autorisation." Celui-ci, en effet, pour ne pas être submergé de sollicitations commerciales, doit aujourd'hui faire l'effort de téléphoner ou d'envoyer un courrier signifiant son refus d'être inscrit sur un fichier. Le permission marketing propose de passer d'un système ou le client doit lever la main pour dire non à un autre où il la lève pour dire oui. ...
"Un Américan voit 3 000 messages publicitaires par jour" écrit Seth Godin. En France aussi le harcèlement existe : spots interrompant les émissions de télé, courriers électroniques intempestifs, prospectus débordant de la boîte aux lettres... Même chez soi, pas moyen d'être à l'abri : le téléphone sonne et l'on essaie de vous vendre un placement financier ou une cuisine ! Impossible de prêter attention à une offre face à cette pléthore de solicitations. A moins, bien sûr, de l'avoir soi-même demandée. ...

Immo, lui, a fait ses calculs : l'envoi de carton d'invitation à ses contacts lui coûte 5000 francs environ, pour un retour de 10 %. "Une campagne d'affichage me reviendrait dix fois plus cher pour un résultat nul, car je ne suis pas connu !", estime-t-il. De fait, le permission marketing est plus adapté à une PME sans notoriété, à marché étroit et disposant d'un faible budget publicitaire qu'à une multinationale. Il peut parfaitement s'appliquer, en revanche, dans l'industrie comme dans les services, dans la grande consommation comme dans le business-to-business. ...

Stéphene JOURDAIN

mars 2000